UN CRIME À NEWTOWN
Edition spéciale 1972
Dans la nuit du seize au dix-sept juillet, plusieurs personnes furent violemment agressées lors d'une houleuse manifestation s'opposant à la guerre du Vietnam. Parmi eux, plusieurs blessés légers, deux individus dans un état grave et une jeune femme décédée.
Face au silence des autorités, notre équipe a tenté d'en savoir plus sur celle qui nous a quittés.
La victime, une jeune serveuse d'une vingtaine d'années nommée Julia Daisy Sidney et rebaptisée Jude par son entourage, a visiblement subi sans raison ces terribles violences, à la stupéfaction de ses proches. Maggie Mae, votre reporter favorite, a interrogé pour vous l'entourage de la victime.
Tom Knock, propriétaire du bar dans lequel travaillait la victime, a tenu à nous faire partager ce qu'il savait de son passé.
Tom, vous qui employiez Miss Sidney, pouvez-vous nous parler de son passé ? TOM KNOCK : Ah, la petite Jude. Elle n'a pas toujours eu la vie rose, cette gamine. La nature ne l'a pas gâtée, et puis faut dire qu'elle en a un peu rajouté, avec sa tête de mule ! Toujours à chercher les ennuis, cette petite !
Déjà gamine, elle était toujours dans mes pattes, à voler dans ma caisse et chaparder dans mes cuisines. Bon, je lui collais bien quelques taloches quand je l'attrapais, mais je savais qu'elle n'était pas méchante au fond. Faut dire que sa mère était morte, j'sais plus trop pourquoi, pis son père savait pas l'éduquer.
Quand elle a grandi, jl'ai embauchée comme serveuse dans mon bar, faut dire qu'avec un cul comme le sien, forcément, ça attire les clients. Mon bar s'ra bientôt plus célèbre pour les hanches de sa serveuse que pour sa bière ! Mais Boy, faut avouer qu'elle est drôlement bien roulée, comme nana.
Pis, Jude, elle abat du boulot. D'six heures à minuit, elle essuie les verres, passe le balai et sert les clients. Pas question de chômer. Et même si elle n'est pas toujours très clean, j'la laisse prendre son herbe dans l'arrière boutique tant qu'elle bosse correctement.
Le soir, y'a un type à moto qui vient la chercher. J'crois bien que c'est le ptit Nate. Il a bien changé, lui aussi. À ce que j'ai entendu dire, ils vivent tous les deux dans un van à l'écart de la ville. Les parents du gamin doivent être bien déçus, eux qui l'avaient inscrit en droit en espérant qu'il les sortirait des ennuis quand ils s'feraient repérer pour leur trafic de médicaments. D'sacrées enflures, les Kovinski.
Pis des fois, Jude m'parle un peu d'sa vie. J'la laisse choisir un morceau sur l'juke-box et on s'boit un verre assis au bar. J'crois qu'elle fait un peu de guitare, mais elle doit pas très bien jouer. Elle n'a jamais été douée en quoi que ce soit. Essuyer des verres et rouler des hanches, voilà ses deux principales qualités. Mais c'est une bonne gamine.À la suite de ce témoignage émouvant er plein de sincérité, nous avons porté notre attention sur Nate Kovinski, le petit ami de la victime :
Nate, quel effet cela fait-il d'être le premier suspect dans l'affaire du meurtre de votre petite amie ?NATE KOVINSKI : J'ai jamais voulu... Vous comprenez, j'voulais pas lui faire de mal. Liam et moi, c'était pour la vie, jl'aimais vraiment, vous voyez. J'voulais pas la blesser, jamais je lui aurais fait de mal ! Bien sûr, on avait des embrouilles, mais quel couple n'en a pas ?
Putain, j'étais stone, ok ? J'me souviens de rien, de rien du tout, mais je sais qu'je n'lui ai rien fait ! J'ai repris conscience en voyant son corps... Si atrocement mutilé... Mais c'était pas moi, jle jure !
*Le jeune homme, visiblement accablé, s'effondre en larmes, nous offrant un instant de scoop délectable*
Je l'aime, putain, je l'aime ! Laissez-moi la voir, vous savez rien d'elle, laissez-moi l'emmener ! J'avais promis...Trop troublé pour nous en confier plus, Nate a préféré se retirer et nous envoyer son ami Craig Shark, surnommé Crawley.
Crawley, vous connaissiez la victime. Que saviez-vous d'elle ?CRAWLEY : Ben, croyez-moi ou non, mais ce meurtre ne m'étonne pas vraiment. Faut dire qu'elle était pas très fut'fut', la Jude. Elle avait plus de bouillie que de cervelle, dans le crâne.
Mais bon, faut la comprendre, aussi, elle en avait pas besoin. Avec un cul comme le sien, on a besoin de rien.
Je vais être honnête avec vous, m'dame la journaliste, Jude c'était pas un ange. C'était même une putain de garce, pour dire la vérité. Une vraie fille facile, elle a fini dans le pieu de tous les motards du coin. Elle était pas vraiment jolie, quand on la regarde de près, elle a des traits trop durs, les joues creuses et des yeux délavés. Mais bon, c'est vrai que ses cheveux blancs, ça lui donnait du charme. Et puis, avec des hanches et des seins comme les siens, le reste importe peu.
Pour le reste, j'ai que des ptits détails. Elle se rongeait tout le temps les ongles, jusqu'à ce que ça saigne. Elle fumait beaucoup, partout, même dans son bain. Des Lucky Strike. Et pas que du tabac si vous voyez ce que j'veux dire... Elle avait un grain de beauté tout rond, juste sous la lèvre, et une longue cicatrice sur la tempe. Ses paupières tombaient un peu, et elle avait toujours de grands cernes, comme si elle était toujours fatiguée.
Jme la suis tapée une fois ou deux, vu que j'fais partie des habitués du bar. Ça me manquera de n'plus voir son p'tit cul.
Mais ce que je veux vous dire, c'est qu'elle pensait pas au futur, ni au passé. Elle vivait l'instant. Freedom.La perte de cette jeune femme a bouleversé notre petite ville si tranquille, mais rassurez-vous, mes chers lecteurs, nous nous remettrons très vite de cette perte.
C'était Maggie Mae, pour la gazette de Newtown.