[Libre]
Charles Hopefield se tient debout, vêtu d'un pantalon de velours noir, d'une chemise blanche et d'une veste en tweed bleu marine. Ce ne sont pas ses vêtements. En revanche, il tient dans sa main droite sa fidèle canne à pommeau, qui ne le quitte jamais. Immobile et silencieux, le vieil homme plisse les yeux pour empêcher le soleil, déjà haut dans le ciel, de l'éblouir.
Il ignore totalement où, mais se doute de l'état dans lequel il se trouve. Il en est d'ailleurs plus soulagé qu'horrifié. La mort a fait partie de sa vie quotidienne pendant douze ans ; il l'attendait comme une vieille amie. Seule une chose le laisse perplexe : le destin a refusé d'attendre une nuit de plus. Demain, il comptait se rendre au cimetière pour se recueillir devant la tombe de sa femme. A peine y songe-t-il qu'il que, baissant les yeux, il constate qu'il tient dans sa main gauche un bouquet parfumé et coloré. Il le regarde quelques instants avant de voir les fleurs se faner une à une. Quand ce n'est plus qu'un amas de tiges sèches, Charles jette la gerbe avec dégoût avant de s'effondrer, le visage baigné de larmes que sa barbe retient, comme s'il ne pouvait pas pleurer tout à fait.