Un jour mortel pour une grande aventure.

Bon ouais okay, j'étais mort. Drôle de truc quand même, j'avais du mal à m'y faire. Merde quoi j'me sentais tellement ... Tellement vivant ! Comment je pouvais me sentir aussi vivant en étant pourtant six pieds sous terre ? J'arrivais vraiment pas à accepter le délire, pas du tout même. Y'avait p't'être un moyen de dégager d'ici ? Après tout si on avait pu arriver jusque cet endroit bizarre, y'avait peut-être encore un moyen de reprendre contact avec le vrai monde ? Ouais bon je savais bien que je devais me faire une raison, que j'étais mort et enterré et que j'pouvais rien y faire. Mais quand même, j'pouvais pas m'empêcher d'y penser. Penser à tout ce que j'allais manquer, les personnes que je reverrais plus jamais. Putain quoi, ça faisait vraiment chier. En plus c'était vraiment paumé comme endroit, j'avais croisé personne à part une folle furieuse bipolaire qui pleurait et riait la seconde d'après. Je l'avais vite lâché, elle m'avait trop gonflé.

Du coup j'avais atterris sur une plage, elle aussi déserte. De toute façon tout était visiblement désert ici, c'était le trou du cul du monde des morts. Franchement déjà que c'était à chier d'être un macchabée, si en plus on devait passer l'éternité seul ou avec des dégénérées ... Mais qu'on me tue encore quoi ! Ouais, re-mourir. C'était une idée ça. C'était possible ? Surement pas mais j'me sentais tellement vivant pourtant ... Que je pouvais peut-être clamser pour de bon cette fois. Avec toute cette eau, j'pouvais bien m'noyer un p'tit coup pour essayer non ? Au pire ça fonctionnerait pas et je serais juste complètement trempé et salé, ce qui me faisait chier certes mais moins que le fait d'être un mort-vivant coincé dans une foutue dimension parallèle de ma bite. J’hésitais un peu quand même, trempant mes pieds dans l'eau claire en regardant l'horizon. Il s'arrêtait où cet endroit ? Bah je m'en foutais en fait.

J'avançais dans l'eau, m'enfonçant dans ce liquide salé et froid en essayant de pas faire une sale gueule. J'aimais pas trop ça, c'était pas du tout agréable quoi. M'enfin vu que j'essayais de me tuer (encore), j'pouvais bien accepter ces petits désagréments marins. Et je me laissais couler, ouvrant la bouche et m'étouffant quand la flotte au goût infect s'empara de ma bouche. L'eau me roulait une pelle en fait ! Je me sentais défaillir, sombrer. Le noir m'entourait. J'allais peut-être mourir pour de bon cette fois. Du moins j'espérai, parce que je voulais pas rester coincé dans cet endroit qui craignait grave, avec pour seule compagnie ma main droite et une tarée perdue en cours de route. Non merci quoi.
En tout cas je pensais vraiment être mort cette-fois, mais il semblait que ce putain d'endroit était vraiment l'after-life impossible à éviter. Je me réveillais sur la plage, trempé et du sable un peu partout. Je soupirais, me laissant retomber au sol et regardant le ciel d'un air vide. J'me serais bien fumé un p'tit truc là.

D'ailleurs, qui aurait crû que quelqu'un me rejoindrait sur cette plage pourrie de mes deux, quelqu'un de foutrement motocultable par l'arrière soit-dit en passant et avec un look de camé ultra sex. Ouais bon en fait la mort c'était peut-être pas SI mal que ça. « Hey mec. T'as pas de l'herbe sur toi ?» Bah il était peut-être mort avec 10 grammes dans la poche après tout. Pis je pouvais bien lui causer, au point où j'en étais.

Bah visiblement, même mort les clichés marchaient bien. Parce que le drédeux avait bien de l'herbe sur lui. En plus il m'disait ouais genre normal, c'était cool. Je l'aimais déjà bien lui. De toute façon y'allait bien falloir que je me fasse des potes, ou ça risquait d'être vraiment pète couille cette mort. Je le regardais sortir son bordel, feuille et tout le tralala. Fumer un coup nous ferait pas d'mal de toute façon. Après tout on risquait quoi ? Que dalle, vu qu'on avait passé l'arme à gauche comme des merdes et que plus rien pouvait nous faire de mal. J'venais de tester en plus, on était mort de chez mort et pas moyen de mourir à nouveau. C'était bel et bien ça le terminus et même si ça faisait chier, c'était comme ça. J'attrapais ce qu'il me tendait sans rien dire, j'savais pas trop de quoi parler de toute façon. A part lui d'mander comment il était mort ou ce genre de truc, y'avait pas trop moyen de converser. Je me roulais le pétard tranquille du coup, léchant un coup le papier pour terminer. Pis là, il me demandait : « Dis, c'un rêve ? Parce que j'crois que j'te connais pas.» Je tournais mon visage fin vers lui, de ... Whut ?

Attends il avait pas encore pigé ? J'osais trop rien dire du coup. J'savais pas comment lui sortir qu'il était juste mort et que moi aussi, et qu'on était paumé dans l'anus mortuaire de notre ancienne ville. Trop. la. classe. Alors je rigolai un coup, lui répondant naturellement : « J'aimerais bien que ce soit un rêve. » Je cherchais mon briquet dans une de mes poches, en théorie j'aurais dû l'avoir sur moi. Ouais niquel, il était dans ma poche arrière de jean. Mon jean complètement déchiré de rebelle pur 80's. Ça se sentait à 10 000 km que j'étais pas mort en même temps que lui, truc de dingue. Je m'allumais le pèt' du coup, y'avait plus que ça de sensé à faire t'façon. Au moins même mort ça avait quand même l'air de fonctionner, y'aurait plus manqué qu'on puisse pas se défoncer tout ça parce que notre coeur battait plus. Du coup après quelques taffes, je me sentais un peu mieux et surtout plus bavard. Ouais on était mort et alors hein ? Rien à foutre.

« Tain t'y crois toi ? On est putain d'mort ! » J'étais complètement désabusé, j'arrivais même plus à pas m'en taper la narine avec un concombre tellement ça me semblait loin, ma vraie vie. Mais l'herbe devait y être pour un truc. Tain d'ailleurs je me demandais si y'avait d'quoi se défoncer complètement ici. Genre quand le mec aurait plus rien, y'aurait moyen de trouver quoi fumer après ? Non parce que ça craignait à mort sinon, déjà que c'était paumé comme bled, si en plus y'avait pas de ressources naturelles ... Parce que c'était réel comme endroit nan ? Y'avait de la vraie eau, du vrai sable, un vrai soleil. Plein de vrai trucs quoi. Alors devait bien y avoir des magasins quelques part, des bars, des plantations de marijuana ... Bref, la base de tout quoi. Fuck j'avais vraiment du mal avec le concept de la mort quand même.

« J'crève d'envie d'bouffer un KFC de ouf. T'crois y'en a par ici ?» J'y croyais pas des masses mais allez savoir ! On pouvait peut-être avoir de belles surprises après tout. Oh pis merde, je m'étais même pas présenté. C'était pas terrible pour s'faire un pote ça. « 'Fait j'm'appelle William Rose Tallahassee. Mais t'peux m'appeler Will ou Rose, mais seulement si t'es mon pote. T'mon pote hein ? J'en ai marre d'être tout seul ici ! » Ouais non mais je lui laissais le choix hein. Sauf que ça aurait été couillon d'pas devenir amis alors qu'on était seul tout les deux. Pis il avait l'air cool, pas trop prise de tête. En plus d'être carrément baisable. Moi je l'aimais bien.